Newsletter « Au fil du dialogue interreligieux » avril 2022

Sommaire :

-Entretien avec Monseigneur Gilles Reithinger

-Retrouvez l’émission de radio spéciale « la laïcité, un truc de boomer? »

-Retrouvez le replay de la conversation entre Najat Vallaud-Belkacem et Richard Malka

-Parcours de montée en compétences « Religions démêlées » : « Et si vous m’expliquiez le bouddhisme ?  »

-Agenda des fêtes religieuses

Au fil du dialogue interreligieux

 

Vivre l’interculturalité par Gilles Reithinger, évêque-auxiliaire du Diocèse de Strasbourg

Nous vivons dans un monde où se côtoient de multiples cultures : origines, religions, cultures, manières de penser etc. dans nos familles et nos lieux de vie. Notre volonté étant de vivre l’Évangile en articulation avec celles et ceux que nous rencontrons au quotidien, cela ne peut se faire qu’en prenant en considération cet état de fait.

Puiser sa foi dans la pluralité des cultures

Considérant le Concile Œcuménique Vatican II comme un terrain commun, j’emprunte le concept de culture à la Constitution apostolique Gaudium et spes (53) :

Au sens large, le mot culture désigne tout ce par quoi l’homme affine et développe les multiples capacités de son esprit et de son corps ; s’efforce de soumettre l’univers par la connaissance et le travail ; humanise la vie sociale, aussi bien la vie familiale que l’ensemble de la vie civile, grâce au progrès des mœurs et des institutions ; traduit, communique et conserve enfin dans ses œuvres, au cours des temps, les grandes expériences spirituelles et les aspirations majeures de l’homme, afin qu’elles servent au progrès d’un grand nombre et même de tout le genre humain.

Il en résulte que la culture humaine comporte nécessairement un aspect historique et social et que le mot « culture » prend souvent un sens sociologique et même ethnologique. En ce sens, on parlera de la pluralité des cultures. Car des styles de vie divers et des échelles de valeurs différentes trouvent leur source dans la façon particulière que l’on a de se servir des choses, de travailler, de s’exprimer, de pratiquer sa religion, de se conduire, de légiférer, d’établir des institutions juridiques, d’enrichir les sciences et les arts et de cultiver le beau. Ainsi, à partir des usages hérités, se forme un patrimoine propre à chaque communauté humaine. De même, par là se constitue un milieu déterminé et historique dans lequel tout homme est inséré, quels que soient sa nation ou son siècle, et d’où il tire les valeurs qui lui permettront de promouvoir la civilisation.(1)

La culture est ainsi le fruit de l’exercice de la liberté humaine. Les êtres humains établissent librement les relations par lesquelles chercher et donner un sens à l’existence, à la vie de tous les jours, personnelle et sociale.

Les relations culturelles naissent du besoin humain de donner un sens partagé à la vie en commun (idéaux, valeurs, attitudes…), d’établir le mode de produire, de distribuer et de consommer les biens matériels nécessaires pour la vie (relations économiques), et de prendre des décisions sur le sort et le gouvernement de la société civile (relations politiques)(2). Les religions et spiritualités constituent une part importante du sens, des symboles et des significations données à la vie d’un groupe humain à travers la culture(3).

Étant historiques, les relations humaines sont dynamiques et muables. Par conséquent, la culture est à la fois personnelle et partagée. Chaque personne trouve sa propre identité dans la culture.

L’inculturation ou mieux comprendre la diversité culturelle

L’inculturation(4) comprend deux aspects complémentaires(5). Le premier, c’est le processus de s’inculturer dans sa propre culture, c’est-à-dire d’acquérir une conscience « critique » vis-à-vis de celle-ci afin d’établir des relations positives avec la diversité culturelle.

L’inculturation dans sa propre culture suppose que l’on connaisse et que l’on franchisse les barrières sociales et intergénérationnelles du groupe social auquel on appartient. C’est un processus à travers lequel on découvre la réalité dont on fait partie et on parvient à reconnaître ses richesses et ses limites.

Le deuxième aspect, c’est l’inculturation dans une autre culture. C’est comme si on déménageait dans une autre famille, dans laquelle on arrive avec ce qu’on est, et on apprend un autre univers de relations sociales à travers lesquelles on donne un sens à la vie, on organise la communauté, on produit et on répartit les biens nécessaires. C’est toujours un dialogue entre la culture de laquelle on provient et celle dans laquelle on arrive. Pour vivre cela, il n’est pas nécessaire d’aller à l’autre bout du monde.

Voyons dans cette même perspective le texte de l’épître de saint Paul aux Philippiens 2,6-8(6) Sans perdre sa nature divine, sa « culture », Jésus va parmi les hommes et s’identifie jusqu’à la mort avec la condition humaine. En effet, comme le rappelle le P. Arturo Sosa, supérieur général des jésuites, les Évangiles nous décrivent Jésus, que nous reconnaissons comme l’homme universel, inculturé dans une réalité humaine concrète, à partir de laquelle il faut apprendre à s’ouvrir à d’autres.

L’épisode de la rencontre avec la femme syro-phénicienne(7) nous montre un Jésus qui réagit spontanément en accord avec la culture dans laquelle il a grandi. En un deuxième temps, il sort pour aller à la rencontre des besoins de la femme et franchit les barrières de sa culture pour rencontrer l’humanité qui a besoin de salut. À partir de son expérience humaine, Jésus-Christ nous libère aussi des schémas culturels.

 L’Évangile de Jésus est à un tel point universel qu’il peut s’incarner dans toute culture et provoquer son humanisation. Autrement dit, pour être chrétien, il n’est pas nécessaire de se dépouiller de sa propre culture et adopter une culture chrétienne inexistante. Pour être chrétien, il faut s’ouvrir à la conversion que présuppose l’expérience de la miséricorde et du pardon, expérience qui mène à la réconciliation avec Dieu par la rencontre avec l’autre et avec sa propre réalité. Toute culture a besoin de cette expérience de pardon pour accroître son humanité.

L’interculturalité, un chemin vers l’universalité

Le Concile Vatican II a perçu très clairement les changements importants auxquels s’approchait l’humanité. Il a pressenti le processus que nous décrivons aujourd’hui comme passage de l’ère industrielle à l’ère de la connaissance. Les rapides avancées technologiques, l’accès à l’information, la mobilité humaine et la mondialisation sont des aspects emblématiques de ce changement d’époque. Nous vivons ce changement sous de nombreux aspects de la vie quotidienne, et peut-être sommes-nous moins conscients des nombreux changements, profonds et importants, qui se produisent dans les cultures et dans les relations intergénérationnelles(8).

La catholicité est la dimension qui nous permet de comprendre l’universalité du point de vue de l’expérience spirituelle du Dieu de Jésus de Nazareth. En effet, Jésus est né à la périphérie de l’Empire, dans une petite nation colonisée, et a fait activement partie de son peuple ; il a donné sa vie pour annoncer la libération, don de Dieu, à travers ses paroles et ses œuvres ; crucifié et ressuscité, il a envoyé ses disciples diffuser son message de salut parmi toutes les cultures. La communauté des disciples de Jésus — l’Église — a dû dépasser, non sans tensions, son horizon local pour aller au-delà de ses frontières culturelles et vivre la catholicité au sens d’universalité avec des racines locales.

La définition retenue lors du Congrès de l’Union des Supérieurs généraux, à Rome, en mai 2017, indique que le chemin de catholicité implique l’être humain capable de se sentir membre de l’humanité parce qu’il a acquis une conscience « critique » de sa propre culture (inculturation), capable de reconnaître avec joie celle des autres êtres humains (multiculturalité) et d’établir des relations avec les autres, en s’enrichissant de la variété dont fait partie sa propre culture (interculturalité). L’universalité vécue ainsi peut se transformer en promotion de la justice sociale, de la fraternité et de la paix.

L’interculturalité(9)serait donc le chemin pour accéder à la dynamique « rencontre et dialogue », car elle reconnaît que les différences culturelles sont la révélation du visage de l’humanité créée à l’image et ressemblance de Dieu, enrichie par l’échange de plus en plus profond entre elles. L’interculturalité n’est donc pas une fin en soi, mais le moyen par lequel nous créons les conditions pour vivre pleinement l’humanité. L’interculturalité contribue au respect de la dignité des personnes, des cultures et des peuples.

Le chemin continue

Le chemin de l’interculturalité offre de nouvelles opportunités à la mission de l’Église dans le monde actuel. Nous vivons dans des sociétés blessées, surtout à cause de la pauvreté et des conditions dans lesquelles vit la majorité de la population mondiale. Face à la crise du modèle de relations humaines créé jusqu’à maintenant, le pape François invite à ne pas cesser nos efforts d’inventer et de mettre en pratique un modèle alternatif, plus lié aux aspirations humaines que l’Évangile résume dans les dimensions du Royaume de Dieu : justice, paix et amour.

Chrétiens ayant reçu le don de la foi, nous croyons qu’un autre monde est possible parce que Jésus s’est incarné parmi nous, a donné sa vie sur la croix pour le pardon des péchés de tous et, ressuscité, il participe à la vie du Dieu qui nous a promis son royaume. Au service de cette foi, ancrés en elle, nous nous engageons dans le ministère de la réconciliation des êtres humains entre eux, des êtres humains avec la nature créée, et de tous avec Dieu. Ce sont là trois dimensions simultanées de l’appel du crucifié-ressuscité pour parvenir à la libération du genre humain(10).

Itinérance

La croissance des migrations dans le monde entier peut nous servir d’exemple. La mobilité a caractérisé l’humanité depuis ses origines. Nous assistons à l’heure actuelle à une croissance exponentielle de la mobilité humaine grâce au développement technologique et la tendance mondialisatrice de l’époque historique que nous vivons. Bien que la mobilité humaine librement choisie ait aussi augmenté au niveau mondial, la plupart des flux migratoires actuels sont forcés en raison des conditions de pauvreté, des violations des droits de l’homme, des guerres, des violences sociales et de la traite de personnes.

Ce qui enthousiasme et mène à l’interculturalité, c’est la dynamique de « la rencontre et du dialogue » partagée, discernée en commun, planifiée avec bon sens et évaluée avec réalisme.

La rencontre avec les autres requiert un processus de formation dialoguant dans maintes dimensions au même temps : le contexte, les cultures, l’histoire, les processus personnels, la préparation intellectuelle… Ce n’est qu’avec l’aide de la grâce de Celui qui nous invite à cette vie qu’il est possible de s’ouvrir à l’expérience de l’interculturalité comme dimension de notre vie chrétienne.

Le Christ, en effet, a envoyé ses disciples « sans rien pour la route » (Lc 9, 2) afin qu’ils ne soient pas trop encombrés pour rencontrer tout simplement des visages et des vies concrètes d’hommes et de femmes en entrant dans leur maison — c’est-à-dire dans l’intimité de leur cœur — et en leur communiquant la lumière de celui en qui ils trouveront le repos(11).

C’est ainsi qu’un tel ressourcement dans notre esprit commun conduira chacun à discerner son chemin propre dans les circonstances des communautés locales que nous voulons servir avec toujours plus de zèle. Ceci sera sûrement source d’un véritable renouvellement. Nous avons aussi remarqué que le « discernement évangélique »(12) est la méthode que le pape François nous a assignée, au début de son pontificat, dans son exhortation apostolique Evangelii gaudium où il a désiré « indiquer des voies pour la marche de l’Église dans les prochaines années »(13) en précisant que le seul critère pour que ce discernement soit effectif et sans faux-fuyants est d’aller ad extra(14).

Tout le reste est l’incarnation des multiples appels de l’Esprit dans la réalité particulière d’un lieu qu’il faut prendre en charge pour lui donner une réponse pleinement évangélique. Et une fois que nous savons regarder cette réalité remplis par « l’amour du Christ qui nous presse » (2 Co 5, 14), nous pouvons discerner sans cesse des appels pour lesquels nous prions le Seigneur d’envoyer de nouvelles personnes à sa moisson (Mt 9, 38).

(1)Gaudium et Spes, 53

(2)Affirmer le caractère relationnel de la culture, ainsi que reconnaître l’égalité entre les cultures ne veut pas dire proposer le relativisme.

(3)Cf. STANISLAUS, L. – UEFFING, M. (eds.), Interculturalidad, Estella (España), Ed. Verbo Divino, 2017, pp. 18-22, synthèse des éléments de la culture.

(4)L’inculturation est un concept qui dépasse celui de déculturation (abandon douloureux de sa propre culture) et d’acculturation (acquisition passive ou involontaire d’une autre culture). Cf. MELLA, Pablo, ¿Qué significa formar interculturalmente a un jesuita en América Latina? Mimeo, Centro Bonó, República Dominicana, 2016

(5) P. Arturo Sosa s.j., intervention à l’USG mai 2017

(6)Lequel, existant en forme de Dieu, n’a point regardé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais s’est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes ;  et ayant paru comme un simple homme, il s’est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même jusqu’à la mort de la croix. 

(7)Mc 7,24-30.

(8)P. Arturo Sosa s.j., ibid.

(10) P. Arturo Sosa, s.j., ibid.

(11)Saint Augustin, Confessions, I, 1, 1.

(12) François, Evangelii Gaudium 50.

(13)François, Evangelii Gaudium 1.

(14)Cf François, Evangelii Gaudium 20 : « Dans la Parole de Dieu apparaît constamment ce dynamisme de “la sortie” que Dieu veut provoquer chez les croyants. […]nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile. »

 

Entretien avec Gilles Reithinger, évêque auxiliaire du Diocèse de Strasbourg

Monseigneur, nous souhaiterions revenir sur votre expérience dans le cadre des Missions étrangères de Paris, expérience qui vous a porté à beaucoup voyager, à rencontrer d’autres cultures, d’autres traditions religieuses et à apprendre d’autres langues.

Tout d’abord, pouvez-vous nous décrire ce qu’est un « père missionnaire » et si cela a été une vocation pour vous de le devenir ?

Pour répondre d’abord à votre seconde question, oui, cela s’est imposé à moi dès mon entrée au séminaire. Je m’en étais ouvert à Monseigneur Brand qui était alors archevêque de Strasbourg et je lui avais confié que je ressentais cet appel à devenir prêtre et que je souhaitais aller au-delà de nos frontières. Et c’est finalement ce qui s’est fait.

En second lieu, il est important de poser la chose : quand on ressent cet appel à partir au loin, il y a deux attitudes possibles qui peuvent être illustrées par la différence qui existe entre le touriste et le voyageur : le touriste pense déjà à son retour lorsqu’il est à l’aéroport, le voyageur, lui, ne sait même pas quand il va revenir.

Être ce que l’on appelle un père missionnaire, c’est donc aujourd’hui être envoyé d’un endroit vers un autre pour un itinéraire, une itinérance, un voyage dont on ne connaît pas vraiment la durée mais dont le but est tout d’abord d’aller à la rencontre de l’autre. Dans mon cas, ce fut à Madagascar puis à Singapour et dans le monde chinois. Toutefois, être père missionnaire ne consiste pas à emporter avec soi sa culture dans le but de l’exporter en Orient. Il s’agit avant tout d’assumer d’être qui l’on est, c’est-à-dire d’emporter avec soi tout son bagage existentiel, non pas dans le but de l’imposer aux autres, mais dans celui d’être solide et d’aller à la rencontre de l’autre pourvu de cette solidité. On ne deviendra jamais asiatique, ou africain par exemple. Il est donc important de rester ce que l’on est et d’être doté d’une réelle colonne vertébrale.

Depuis le XVIIème siècle, au sein des Missions étrangères, c’est la même « méthode », si je puis dire : en arrivant, dans un premier temps, on ne dit rien, on ne fait rien mais on est dans cet état de contemplation active qui ouvre à l’apprentissage de la langue, de la culture, à la rencontre des ethnies qui constituent un pays et aux religions qui s’y trouvent. Et progressivement, pendant plusieurs années, on essaye de comprendre ce peuple qui nous accueille et d’en faire partie. Pour entrer dans ce dialogue, il est nécessaire d’avoir cette attitude contemplative, fondée sur la curiosité, sur la découverte et qui s’appuie sur un travail sérieux d’apprentissage. Il est donc impératif de labourer le terrain, de rencontrer les gens et de pouvoir échanger dans leurs langues, d’aller visiter des temples, des lieux de culte, des lieux sacrés, de découvrir aussi comment la communauté chrétienne s’est installée et s’est forgée, de façon à ne pas plaquer un regard occidental sur une réalité orientale.

Le but des Missions étrangères n’est pas d’étendre l’Europe à l’étranger, mais bien de se poser en tant que partenaire et de vivre un partenariat local en mettant nos compétences, notre foi, toutes nos dispositions intérieures et toutes nos capacités au service d’un pays et d’un peuple. Nous partons pour être témoins, nous avons une attitude de curiosité saine, une attitude de voyageur, celle de l’explorateur, du découvreur. Attitude qui, à mon sens, se place d’ailleurs totalement dans la tradition et la longue histoire de la Région Grand Est, et particulièrement de l’Alsace : savez-vous qu’au XIXème siècle, des milliers de missionnaires sont partis – issus aussi d’autres Églises-  dont plus d’un quart dans le monde étaient alsaciens ? Cet enthousiasme et cet appel à aller au loin est probablement dû à la particularité de l’Alsace d’être un lieu de passage, une terre de rencontre entre les peuples. La condition de « frontalier » nous rend ouvert à l’autre…

Aujourd’hui, des personnes partent pour des missions humanitaires, des médecins, des infirmiers, des vétérinaires, des électriciens, etc. Ils se placent aussi dans la grande histoire de ceux qui partaient au loin il y a des siècles, qui souhaitaient ouvrir leurs horizons et grands leurs cœurs pour aller à la rencontre de l’autre. Et puis, pour ce qui me concerne, quand je voyage, j’aime à me dire, « Je vais voir à quoi Dieu ressemble à l’étranger » !

Concrètement, que se passe-t-il sur place ? Vous arrivez dans un pays, quelles sont les actions concrètes qui sont portées par l’Église sur ces territoires ?

Concrètement, nous sommes aujourd’hui à un moment unique et qui est, à mes yeux, une bonne nouvelle, une nouvelle étape dans l’histoire de la Mission. Pour revenir un peu en arrière, les Missions à l’étranger étaient dirigées, avant le XVIIème siècle par les rois d’Espagne et du Portugal qui envoyaient leurs flottes sur les océans avec des missionnaires. C’est ce que l’on appelait les Padroado(1). A partir du XVIIème siècle, précisément, il y a 400 ans, à un jour près, c’est-à-dire le 6 janvier 1622 (notre entretien a lieu le 7 janvier 2022) à Rome, a eu lieu la création de ce qu’on appelle le dicastère Propaganda fide, en fait, la Congrégation pour l’évangélisation des peuples née de l’intuition du pape Grégoire XV. A partir de cette date, l’envoi de missionnaires était indépendant des pouvoirs temporels ; c’est le début de l’indépendance des missions et de la création des communautés chrétiennes locales. Pour cela, il était demandé d’aller à la rencontre de l’autre et d’apprendre la langue locale de façon à être en capacité de traduire les Évangiles dans cette langue. Ainsi, il était plus aisé d’en témoigner et de les proposer aux peuples des contrées où les missionnaires étaient envoyés.  Vous voyez, nous n’avons rien inventé qui soit récent !

Cela nous conduit vers une grande période qui va, pratiquement, du XVIIème siècle jusqu’à Vatican II. A ce moment-là, sont envoyées beaucoup de congrégations missionnaires, ce sont les grands départs que nous avons évoqués et dans lesquels les Alsaciens étaient si nombreux. Les témoignages qui sont à notre disposition décrivent à quel point ces personnes étaient immergées au cœur du peuple au sein duquel elles vivaient. Celles qui ont dû revenir en Europe à la fin de leur vie vivaient d’ailleurs un véritable traumatisme ; elles étaient comme un poisson d’eau de mer qu’on ramenait en eau douce.

Aujourd’hui, après 2000 ans et pour la première fois, ce que l’on appelle les Églises de mission d’Afrique, d’Asie, d’Amérique du Sud et d’Océanie ne sont plus les extensions de l’Europe mais sont réellement des Églises locales, des communautés chrétiennes locales avec chacune des laïcs locaux, des évêques, des prêtres, des diacres qui sont toutes et tous des actrices et des acteurs locaux.  Elles ne sont plus dirigées ou commanditées depuis l’Occident tout en demeurant évidemment en communion avec Rome qui forme l’Église universelle. C’est un nouveau stade de maturité de notre Eglise et, à mes yeux, c’est une bonne nouvelle, une bonne chose.

Comment s’est passé votre rencontre avec des traditions religieuses différentes ? Avec le bouddhisme, l’hindouisme, l’islam ?

J’ai toujours été émerveillé de pouvoir découvrir des pays, de rencontrer des civilisations, des peuples qui vivent depuis des millénaires des traditions religieuses et dont certains se trouvent dans des territoires très reculés.

Si je prends pour exemple Singapour qui est un monde en miniature où toutes les grandes religions sont présentes, il y est indispensable de vivre en articulation les uns avec les autres car il n’est pas envisageable, sur un territoire comme cela, de faire autrement. La législation locale oblige également à avoir une approche positive de la rencontre interreligieuse, en amenant chaque religion à montrer ce qu’elle a de meilleur et non pas à critiquer et à pointer du doigt les autres. L’enjeu de ce dialogue, de cette vie commune, est de montrer ce qu’il y a de beau à vivre dans sa religion.

Et ça marche ?

Oui, ça marche ! Il est vrai que le bouddhisme nous rappelle le sens de la méditation et de la profondeur, l’islam la grandeur de Dieu, et d’autres religions, l’attention à la création.  Je pense, par exemple, au taoïsme ou au shintoïsme qui parlent de l’ordonnancement dans la création, de la place des végétaux et des animaux et comment nous faisons tous partie de la Création.

Et c’est ce que nous pouvons faire ici : ne pas voir un obstacle en rencontrant l’autre. Il ne s’agit évidemment pas d’être naïf à l’égard de personnes – et cela peut arriver chez nous aussi – qui ont des valeurs contraires aux valeurs de la République ou opposées à notre projet de vie commun. Rencontrons les autres différents, qu’ils soient croyants ou non-croyants et essayons d’entrer dans ce dialogue car il a la vertu de nous faire remettre en question, de nous permettre de découvrir une autre facette de nous-même et de nous inviter à approfondir tel ou tel aspect de notre foi ou de notre personne ! J’évoquais la méditation, la prière, l’attention à la Création, à notre monde, à ce que le Pape François appelle « la Maison commune ». Être en dialogue, c’est aussi avoir conscience que l’autre et soi-même, nous sommes des éléments de cette « Maison commune », et que nous pouvons ressentir chacun à sa manière, la grandeur de Dieu, de ce qui nous dépasse…

En tant qu’évêque, comment souhaitez-vous vous impliquer dans le dialogue interreligieux ou comment vous y impliquez-vous déjà sur le territoire alsacien ?

Très concrètement, j’applique ce que j’ai vécu à l’étranger. Bien que je sois mulhousien et que je revienne chez moi, j’ai été absent pendant plus de vingt-cinq ans et en un quart de siècle, les choses ont beaucoup changé. Je suis dans cette phase où je laboure le terrain : je vais à la rencontre des gens, je découvre, je lis, j’écoute, je regarde des reportages et je redécouvre ma si belle région que ce soit du point de vue du tissu humain, des cultures locales que l’on trouve en Alsace et dans le Grand Est mais aussi du point de vue politique, économique, religieux et pluri-religieux. Je m’intéresse aussi à des personnes de tous âges, je vais à la rencontre des adultes mais aussi des plus jeunes. Il m’arrive de me rendre dans des lycées ou des collèges afin d’écouter ce que les plus jeunes ont à nous dire. Je n’arrive pas avec une recette toute faite : je suis vraiment dans la phase qui est l’attitude missionnaire, qui est d’être à l’écoute, dans la contemplation et dans ce qui est dit dans la Bible « de demeurer au milieu de son peuple ». Donc, je demeure là, en Alsace, j’écoute, je porte tout cela dans mes prières, je contemple.

Quel est le fuit de vos premiers regards ?

Je suis vraiment émerveillé par le dynamisme de notre région. Je vois un tissu associatif qui est absolument gigantesque et très dynamique. Je vois aussi de jeunes entrepreneurs, des startups qui se créent un peu partout. Je vois aussi le souci de l’écologie, des circuits courts, des projets locaux, le souci de notre manière d’être et de la qualité de vie, l’attention à la nature, toutes choses qui rejoignent « Laudato Si » l’encyclique du pape François. J’observe également que les religions présentes montrent un réel dynamisme.

Je suis chargé de mener au sein du Diocèse la réflexion synodale(2) à laquelle le Pape François nous a appelé. Et justement, il s’agit pour moi d’être à l’écoute de toutes les réalités qui forment cette région et de voir comment l’Église catholique peut apporter sa pierre à l’édifice et participer à la vie et à la vitalité de notre territoire.

Finalement, vous êtes un acteur de terrain ?

Oui ! Je ne suis pas un évêque de bureau ! J’ai tout de suite dit qu’il ne fallait pas me chercher dans mon bureau car c’est un lieu où je ne serai pas souvent ! Par ailleurs, un autre volet m’a été confié qui me fait aussi beaucoup voyager en Alsace : la présidence de la Fédération de Charité-Caritas Alsace, rôle qui m’amène à me déplacer beaucoup y compris dans le Grand Est avec le réseau Secours Catholique- Caritas.

Vous savez, par la charité et la solidarité, qui ne sont pas condescendance, nous avons vocation à avancer main dans la main avec toutes les personnes qui sont en situation de précarité. Là, nous sommes aussi dans l’interreligieux car nous pouvons rencontrer des Catholiques, des Protestants, des Musulmans, des Bouddhistes…. Et nous voyons alors que la charité, c’est-à-dire l’amour, nous unit.

 

(1) Padroado (mot portugais pour Patronage) était un arrangement complexe de droits et obligations concédés, ou formellement imposés, par les papes aux souverains et royaumes du Portugal et d’Espagne (le Patronato) pour promouvoir et coordonner l’évangélisation des territoires nouvellement découverts et colonisés. (Source Wikipédia)

(2) Synode de la synodalité : « L’Église de Dieu est convoquée en Synode : un temps d’écoute, de dialogue et de discernement que l’Église tout entière entend mener au cours des deux prochaines années afin de mieux répondre à sa mission d’annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ au monde entier. C’est un évènement important de l’Église locale et universelle, un évènement qui concerne tous les chrétiens fidèles laïcs, clercs et personnes consacrées ».(source Eglise catholique en France)

 

 

Newsletter « Au fil du dialogue interreligieux » février 2022

Newsletter de la Région Grand Est consacrée au dialogue interreligieux

Sommaire :

-Émission de radio spéciale du Conseil Régional des Jeunes

-3ème Forum des religions

  • Focus sur la séquence : « Religion en prison, le rôle-clef des aumôneries »
  • Focus sur la conversation avec Richard Malka et Abd Al Malik

-Parcours de montée en compétence sur le fait religieux « Religions démêlées »

-Agenda des fêtes religieuses

Au fil du dialogue interreligieux

Newsletter « Au fil du dialogue interreligieux novembre 2021 »

Newsletter de la Région Grand Est consacrée au dialogue interreligieux

Sommaire :

– Parcours de montée en compétence sur le fait religieux « Religions démêlées »

-Cérémonie de la pose de la première pierre de la mosquée de la Fraternité

-10 ans du Groupe interreligieux de Haguenau

-Troyes : Assises de la Maison Rachi

– Voyage de découverte du bouddhisme

– Conférences

-Agenda des fêtes religieuses

Newsletter « Au fil du dialogue interreligieux »

Newsletter « Au fil du dialogue interreligieux octobre 2021 »

Newsletter de la Région Grand Est consacrée au dialogue interreligieux

Sommaire :

-Séminaire du Conseil régional des jeunes

-Études religieuses à faculté de théologie catholique

-Albert Schweitzer, une statue au cœur de la ville

-Exposition : Les pèlerinages dans les religions

-Expositions : Quatre siècles d’histoire au féminin,

-Conférences : DECERE, Amitié judéo-chrétienne de Colmar

-Marche de la fraternité de Haguenau

-Découverte du bouddhisme en Alsace

-Agenda des fêtes religieuses

Newsletter « Au fil du dialogue interreligieux »

13ème Rendez-Vous avec les Religions : entretien avec le Père Étienne Uberall

Le 13ème Rendez-Vous avec les Religions aura lieu le 12 septembre prochain et proposera au public une exposition sur le pèlerinage dans les religions. A cette occasion, nous sommes allés à la rencontre du Père Étienne Uberall, curé des paroisses Saint-Pierre-le-Vieux et Saint-Jean,  cheville ouvrière de ce rendez-vous.

Père Étienne, bonjour. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le Rendez-Vous avec les Religions ?

Le Rendez-vous avec les Religions est un rendez-vous proposé au grand public par l’ensemble des traditions religieuses strasbourgeoises qui ont fait le choix du dialogue interreligieux, à savoir les chrétiens, catholiques, protestants et orthodoxes, les juifs, les musulmans, les bouddhistes, les hindouistes et les baha’is. Ce rendez-vous est né il y a 14 ans à l’initiative du Comité interreligieux auprès du Conseil Régional *. Il en est à sa 13ème édition, puisqu’il n’a pas pu avoir lieu en 2020 pour cause de pandémie. Durant une après-midi, nous nous rassemblons et proposons au public d’appréhender ce dialogue par de multiples expressions telles que la musique, les témoignages, la peinture et la calligraphie, sans oublier le partage de différentes saveurs, de pâtisseries et de boissons. C’est un rendez-vous très festif où il est aussi de tradition que nous chantions un chant tous ensemble !

Mettre en valeur le vivre-ensemble interreligieux, c’est cela le but ?

Oui, c’est cela ! Nous accueillons plusieurs centaines de personnes lors de ce Rendez-vous avec les Religions : des habitués, mais aussi ceux qui découvrent l’évènement. Ils sont d’ailleurs souvent surpris de voir qu’un tel rendez-vous existe. Pour moi, il est toujours très intéressant d’échanger avec ces personnes…

L’intérêt de cette journée réside autant dans l’écoute de témoignages, de chants et de musique que dans les multiples rencontres qui ont lieu au hasard des tables et des ateliers. Des personnes issues de traditions différentes, ou d’aucune tradition religieuse d’ailleurs, s’écoutent et partagent un moment ensemble.

Suite à votre rencontre avec le Grand Témoin de cette édition, Sofiane Boubahlouli, vous avez souhaité, avec votre équipe, mettre en place une exposition sur les pèlerinages dans les huit traditions dont vous avez parlé précédemment : pouvez-vous nous dire comment a été mené le travail qui a abouti à cette exposition et avec quels outils le public va pouvoir l’aborder ?

Effectivement, nous nous sommes rendus compte, lors de notre rencontre avec Sofiane, que les religions avaient, parmi d’autres points communs, celui du pèlerinage, même si cette dimension est plus ou moins présente dans chaque tradition. Nous avons constitué un petit groupe de travail dont le but a été de présenter le sens du pèlerinage dans chaque tradition religieuse ainsi que les lieux de pèlerinage, puisque qui dit pèlerinage dit déplacement vers un lieu souvent considéré comme sacré. Nous avons réalisé une exposition ** constituée de vingt panneaux avec textes et photos qui sera présentée pour la première fois lors de ce Rendez-vous avec les Religions. À celle-ci s’ajoute un livret gratuit qui reprend les panneaux de l’exposition ainsi qu’un texte spirituel, de prière ou de méditation selon les religions. Enfin, huit éditions de l’émission Polychrome sur la radio RCF Alsace (adresse du site en bas de cette page) ont été consacrées à cette exposition.

Le mot « pèlerin » vient du latin « peregrinus » qui signifie « étranger, celui qui est d’un autre pays ».  Pourtant le pèlerinage semble être d’abord un cheminement avec soi-même.  Est-ce à dire que nous allons à la rencontre de celui que nous sommes et que d’une certaine manière nous sommes aussi un peu étranger à nous-même ? Est-ce que vous verriez le pèlerinage comme cela ?

Il y a plusieurs dimensions dans le pèlerinage. C’est un chemin entre un lieu de départ et un but. Nous quittons un lieu pour atteindre une destination et retrouver d’autres personnes. La démarche est souvent communautaire, la plupart des pèlerinages s’effectuant en groupe ou en communauté de croyants. Même dans le cas où le pèlerinage est accompli de manière plus individuelle – comme dans le cas du chemin de Saint-Jacques de Compostelle – le pèlerin rencontre sur sa route de nombreuses personnes qui cheminent comme lui, il n’est jamais totalement isolé. Dans tous les cas, le pèlerin effectue une démarche intérieure. Quand je disais « il y a un départ et une arrivée », cela concerne aussi la personne elle-même : on n’est pas le même avant et après un pèlerinage.  Le déplacement physique est toujours signe d’un déplacement intérieur.  Même les personnes qui ne peuvent pas marcher, lors d’un pèlerinage à Lourdes par exemple, vivent un déplacement intérieur très fort.

Etes-vous vous-même allé en pèlerinage ? Qu’est-ce que cela vous a apporté ?

Je n’ai pas fait de grands pèlerinages comme celui de Saint-Jacques de Compostelle mais il y a de nombreuses années j’ai animé, dans le cadre de revues religieuses, des croisières qui s’appelaient « Sur les pas de Saint-Paul » au cours desquelles il s’agissait d’aller sur les pas de l’apôtre Paul en Grèce, en Turquie, en Syrie, à Malte, en Terre Sainte, à Jérusalem.

Et puis, dans les paroisses où j’interviens, il y a toujours au moins une journée annuelle de pèlerinage avec les paroissiens (environ 200 personnes). On y vit tout ce qui s’attache à ces notions de parcours, de prière personnelle et de rencontres communautaires en allant vers un lieu où l’on découvre toujours quelque chose. Nous nous rendons dans des lieux de pèlerinages alsaciens : notre région compte de nombreux lieux de pèlerinages catholiques consacrés à la Vierge Marie comme le Mont Sainte-Odile, Marienthal, Thierenbach ou Notre-Dame du Chêne à Plobsheim qui est à moins de 15 kilomètres de Strasbourg et que l’on présente souvent comme le plus ancien lieu de pèlerinage marial même si cela tient plus de la tradition que de la vérité historique…

Et qu’est-ce que cela vous apporte à vous en tant que croyant, en tant qu’homme, de faire ces pèlerinages ? Encore une fois la rencontre ?

Oui, il y a la rencontre avec Dieu comme croyant, c’est un temps où l’on est seul avec soi-même et où l’on est convié à la prière. Et puis la rencontre de l’autre et pour un croyant, la rencontre de l’autre, c’est toujours aussi la rencontre avec Dieu car c’est dans le visage de l’autre que nous, chrétiens, nous reconnaissons Jésus Christ. C’est en rencontrant l’autre que nous rencontrons le Christ lui-même. Pour moi faire un pèlerinage avec d’autres personnes, c’est marcher ensemble et c’est aussi affronter la difficulté ensemble ; ainsi quand on gravit un chemin qui monte et que nous sommes obligés d’être attentifs les uns aux autres, que nous aidons ceux qui ont davantage de mal à avancer, que nous attendons les derniers, etc., il y une attention à l’autre qui s’établit.  Quand on « pèlerine » ensemble, on est forcé d’être toujours attentif à ce que fait l’autre.

Le dialogue interreligieux au sein duquel vous êtes très actif depuis de nombreuses années est à la source de ce Rendez-vous avec les Religions ; en tant qu’homme d’église, qu’est-ce que ce dialogue, cette rencontre avec d’autres croyances vous apporte et vous a apporté ?

Ce que cela apporte, c’est de se rendre compte que nous avons de nombreuses dimensions communes. En premier lieu, la conviction qu’il y a un Dieu, même si on l’appelle autrement, même si on va vers lui par des chemins différents. Pour aller plus loin dans le dialogue interreligieux, je pourrais même dire « une transcendance », « une force au-dessus de nous ». Cela nous conduit à vivre, dans chaque religion, une dimension spirituelle : nous essayons tous de vivre en faisant grandir ce qui est à l’intérieur de nous-même. Enfin, nous appelons tous à aimer les autres, même si cette exigence n’est pas toujours vécue comme nous le souhaitons. Chaque tradition religieuse peut aussi donner lieu au repli sur soi ou à des réflexes identitaires.

La véritable différence ne se situe pas forcément entre les croyants de différentes traditions mais, au sein de chaque religion, entre ceux qui sont convaincus de la nécessité de s’ouvrir à l’autre et ceux qui sont convaincus que leur manière de croire est le seul chemin possible vers Dieu. L’ennemi du dialogue interreligieux, c’est cela. Cela ne signifie pas que la pratique du dialogue interreligieux conduise à relativiser sa propre foi. Au contraire – pour en avoir souvent parlé avec des confrères catholiques engagés dans le dialogue interreligieux – plus on rencontre des personnes qui croient autrement que nous, plus on est conforté dans notre manière de croire. Je me sens fortement chrétien quand je parle avec des personnes d’autres traditions sans pour autant croire que ma religion est l’unique, sans croire que nous détenions la seule vérité, mais en me disant que je suis heureux du chemin qui est le mien. Et même au sein de la tradition chrétienne, si je parle avec un protestant ou un orthodoxe, je suis heureux d’être catholique sans me dire qu’eux-mêmes sont dans l’erreur. Je peux reconnaître qu’il y a des chemins différents tout en étant conforté dans ma propre manière de vivre la foi en Dieu. C’est cela qui est passionnant dans le dialogue interreligieux.

À partir du moment où l’on ne cherche pas à convertir l’autre, on est tout à fait prêt à recevoir ce qu’il a à dire. Ce qui ne veut pas dire que c’est toujours simple car il existe bien des sujets sur lesquels nous ne sommes pas d’accord mais quand on a décidé d’écouter l’autre, on peut justement parler de ces choses au sujet desquelles nous sommes en désaccord.

Nous allons terminer notre entretien sur un point que nous n’avons pas évoqué : ce sont les marches interreligieuses justement qui, pour plusieurs d’entre elles, ont eu comme point de départ le siège de la Région Grand Est. Ces marches interreligieuses, vous les présentez avec les pèlerinages, pourquoi ? Est-ce qu’il s’agissait là aussi d’une forme de pèlerinage ?

En tous les cas, ces marches avaient les dimensions du pèlerinage : marcher ensemble d’un endroit à un autre. Ces marches ont eu lieu, en général, lors de moments où nous étions tous très atteints par des évènements du monde qui étaient difficiles à vivre. Il nous semblait important de montrer d’une manière symbolique que les religions et leurs responsables n’étaient pas simplement capables de protester mais qu’ils pouvaient aussi avancer ensemble vers une plus grande fraternité entre les Hommes. Le départ s’est souvent fait à partir du Siège du Conseil Régional car c’est un endroit où nous nous sommes régulièrement réunis au sein du Comité interreligieux et nous avions pour but le Conseil de l’Europe parce que c’est un lieu emblématique de la construction de la paix.

Une dernière information ?

Oui, tous les bénévoles qui ont œuvré pour que ce rendez-vous soit une réussite vous proposent de devenir, l’espace de quelques demies-heures, un pèlerin et de les rejoindre en allant d’un lieu de culte à un autre du 6 au 11 septembre, de 18h à 18h30 ! N’hésitez pas à nous accompagner et à partager avec nous ce moment ! Voir programme : www.grandest.fr/dialogue-interreligieux/

Site RCF : https://rcf.fr/vie-spirituelle/polychrome?page=1

*Etienne Uberall est membre fondateur du Comité interreligieux auprès de la Région Grand Est qui regroupe huit traditions religieuses présentes sur son territoire et dont le but est de valoriser le dialogue interreligieux.

**Si vous souhaitez présenter cette exposition dans votre lieu de culte, merci d’envoyer un mail à cette adresse :

 

Newsletter « Au fil du dialogue interreligieux août 2021 »

Newsletter de la Région Grand Est consacrée au dialogue interreligieux

Sommaire :

-Visite du Cardinal Parolin à Strasbourg

-A vos agendas :

  • Exposition à l’Église du Temple Neuf : « Bishnoïs »
  • Le jardin interreligieux de Valff
  • 13ème Rendez-vous avec les Religions
  • Festival Voix et route romane
  • Chagall, le passeur de lumière

-Le couscous de Lilia Bensedrine-Thabet

-Agenda :  les fêtes religieuses du mois d’août

Au fil du dialogue interreligieux

Newsletter août 2021 : le couscous de Lilia Bensedrine-Thabet

La recette traditionnelle de Ommik Sannafa est la référence des recettes tunisiennes :

Dans une marmite à couscous, mettre l’huile d’olive, un oignon émincé, des morceaux de viande d’agneau, sel, poivre, harissa et épices à couscous. Faire revenir. Ajouter le concentré de tomate, les pois chiches (trempées), un grand verre d’eau et laisser cuire pendant 20mn. A jouter ensuite les légumes, selon votre gout, pommes de terre, carottes, navets, courge, courgettes… Rajouter un litre et demi d’eau. Porter à ébullition puis laisser mijoter. Humidifier le couscous avec un peu d’eau fraiche et un filet d’huile d’olive. Le verser dans le couscoussier (Kiskas). Adapter le couscoussier à la marmite et laisser cuire. Quand la viande et les légumes sont cuits, vider le couscous dans un récipient, prélever le bouillon, arroser le couscous. Laisser la graine bien gonfler. Garnir et servir.

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