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    De nos jours, rares sont les couples qui jugent nécessaire la rédaction d’un contrat de mariage. 80 % des couples mariés n’en ont jamais signé. Il n’en fut pas toujours de même autrefois. Dans les familles de la noblesse plus spécialement, le contrat de mariage représentait dès le Moyen-Age une étape indispensable. Les alliances matrimoniales revêtaient une importance particulière. Elles avaient pour premier objectif d’assurer la perpétuation du lignage, mais aussi d’organiser la transmission des biens. Afin d’officialiser l’alliance entre les deux familles, un contrat de mariage était rédigé, le plus souvent sur parchemin, et scellé par les représentants des deux parties. Nous vous en proposons ici un magnifique exemple à travers le contrat de mariage de l’écuyer Marquard de Schoenenberg. La charte est issue du fonds appelé chartrier de Niedernai, conservé aux archives de la Région (site de Strasbourg). Elle est sans doute parvenue dans le fonds à la suite d’héritages, de ventes ou de mariages successifs dont nous ignorons le détail.

    La famille de Marquard de Schoenenberg avait des origines suisses et des biens en Haute-Alsace. Comme c’est souvent le cas dans les familles de la noblesse, les Schoenenberg ont pour emblème

    Contrat de mariage de Marquard de Schoenenberg (13 mai 1453). Sceaux appendus de Marquard de Schoenenberg, Hans Spitz, Hans de Flaxlanden, Hans Ulrich de Masevaux, Stoffel de Schoenenberg et Hugo Spitz. Archives de la Région Grand Est, Chartrier de Niedernai, 1 J 345. Photo C. Menninger © Région Grand Est – Inventaire général, 2011.

    et origine un château-fort dont ils ont pris le nom. Les ruines du château de Schoenenberg sont encore visibles de nos jours, sur une arête rocheuse au-dessus de la commune de Burg im Leimental, dans le canton de Bâle-Campagne, à très peu de distance de l’actuelle frontière suisse.

    Au moment de l’établissement de son contrat de mariage, en 1453, Marquard de Schoenenberg avait fixé sa résidence à Thann en Haute-Alsace. Dans l’acte, il est qualifié d’écuyer (edelknecht). Le terme désignait habituellement des jeunes gens ayant atteint l’âge adulte, entraînés à la guerre et remplissant toutes les conditions pour devenir chevaliers, sans avoir encore droit au titre. En effet, l’adoubement entraînait des frais importants. De ce fait, les cérémonies étaient souvent remises à plus tard.

    Le contrat de mariage réunit principalement deux protagonistes : Marquard de Schoenenberg et son beau-père Hans Spitz de Bâle, père de sa future épouse Margareta. La famille Spitz appartenait à l’oligarchie marchande bâloise. Elle évoluait aux franges de la noblesse depuis déjà plusieurs générations.

    L’alliance entre les deux familles est scellée par un transfert de biens : une dot et un douaire du côté de l’épouse, un douaire et une morgengab du côté de l’époux. La dot constituée par Hans Spitz au profit de sa fille se compose uniquement de rentes en argent. En plus de la dot, Hans Spitz assure à son futur gendre un douaire consistant en une rente de 30 florins. Marquard pourra en bénéficier sa vie durant si Margareta meurt avant lui sans laisser de descendance.

    De son côté, Marquard promet à sa future épouse une morgengab et un douaire. La morgengab ou « don du matin » est un don offert par l’homme à son épouse au lendemain de ses noces. Il s’agit d’une tradition germanique très ancienne, déjà attestée à l’époque mérovingienne. La morgengab de Margareta Spitz ne consiste pas en biens matériels, mais en une rente en argent de 200 florins. La morgengab est complétée par un douaire destiné à assurer la survie de l’épouse en cas de veuvage. Marquard assigne en douaire à son épouse Margareta sa maison de Thann dite der von Schoenenberg hof et une rente de 24 livres bâloises sur des maisons à Thann.

    Sceau de Marquard de Schonenberg. Archives de la Région Grand Est, Chartrier de Niedernai, 3 J 25, empreinte n° 412. Photo C. Menninger © Région Grand Est – Inventaire général, 2011.

    Le contrat de mariage a été scellé par Marquard de Schoenenberg, son beau-père Hans Spitz, les deux témoins Hans de Flaxlanden, chevalier, et Hans Ulrich de Masevaux, Stoffel [Christoph] de Schoenenberg, frère de Marquard, et Hugo Spitz, frère de Hans. Les six sceaux appendus sont tous conservés. Les armoiries de la famille Schoenenberg ne présentent guère d’originalité. Elles montrent un lion rampant : il est figuré de profil, dans le sens vertical, regardant vers la gauche. Le lion était l’animal le plus couramment représenté dans les armoiries médiévales. On en trouvait dans près de 15% des blasons. Considéré comme le roi des animaux, le lion incarnait des vertus de force, de courage, de générosité. Un adage célèbre disait : « Qui n’a pas d’armes porte un lion ».

    Sources

    Archives de la Région Grand Est, site de Strasbourg, Chartrier de Niedernai, 1 J 345. Contrat de mariage entre l’écuyer Marquard de Schoenenberg et Margareta, fille de Hans Spitz, de Bâle (13 mai 1453).
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