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Rencontre avec Eric Vallet, directeur de l’Institut d’Islamologie de l’Université de Strasbourg

 

Eric Vallet est professeur d’études arabes à l’Université de Strasbourg à la Faculté des langues dans un département pluridisciplinaire consacré au monde arabe.

Qu’est-ce que l’islamologie ?

Ce que l’on appelle l’islamologie, c’est l’étude scientifique de l’islam comme religion en utilisant les grandes disciplines qui sont développées à l’université à savoir l’histoire, l’étude philologique et littéraire, le droit, l’anthropologie, la sociologie, etc. C’est un ensemble de connaissances qui ne s’inscrit pas dans un cadre confessionnel mais qui s’inscrit dans un cadre scientifique et académique qui est celui de l’Université française.

Pouvez-vous revenir sur le contexte de la création de cet Institut d’Islamologie ?

Il y a quelques années, j’ai participé, avec d’autres collègues, à l’élaboration d’un rapport sur l’état de l’islamologie en France qui était alors un domaine très négligé dans les universités françaises.

Pourquoi ?

Il y a différentes raisons à cette négligence mais le fait est qu’il n’y avait pas eu de relai générationnel ; toute une génération de spécialistes qui étaient en place dans les années 1990 et 2000 était partie à la retraite et ces personnes n’avaient pas été remplacées.

A partir de 2014 et surtout après les attentats de 2015, nous avons commencé à réfléchir au niveau national à la façon de relancer ce domaine, notamment dans le cadre du réseau des laboratoires travaillant en France sur l’islam (GIS Moyen-Orient et mondes musulmans) que j’ai dirigé entre 2017 et 2022.  A partir de ce travail, nous avons proposé aux pouvoirs publics une politique adaptée pour la relance de l’islamologie, tenant compte de l’état réel du terrain.

Et de fait, un effort important a été déployé par les gouvernements successifs ce qui a notamment permis au cours des dernières années la création de différents postes universitaires dont ont bénéficié en Grand Est l’Université de Strasbourg et l’Université de Lorraine et le lancement de l’Institut français d’islamologie, un projet national ambitieux porté par 8 établissements dont l’Université de Strasbourg. Cet Institut a incité notre université à s’associer à l’Université d’Aix-Marseille et aux Langues O de Paris pour créer ce Diplôme interuniversitaire d’islamologie en ligne.

C’est dans ce contexte que nous avons lancé, il y a un an, au niveau local l’Institut d’Islamologie de Strasbourg que je dirige. Le contexte a beaucoup joué, même si cet Institut s’inscrit dans la continuité de l’histoire de l’Université de Strasbourg si l’on se rappelle, qu’il y a une trentaine d’années, le projet d’ouvrir une faculté de théologie musulmane à Strasbourg avait été notamment porté par le recteur Trocmé.

Pourquoi ne pas être allé auprès des pouvoirs publics avec cette proposition?

La réponse ajustée au besoin du moment, à savoir la période qui vient après les attentats de 2015, n’était pas forcément la création d’une faculté de théologie musulmane à proprement parler.  Nous avons estimé qu’il était important de mettre en œuvre un projet universitaire beaucoup plus large qui permette l’étude pluridimensionnelle de l’islam par le biais d’un institut, où la théologie est aussi une des disciplines, mais pas la seule. Avec cette réponse de l’Université de Strasbourg, c’est une nouvelle page de l’enseignement et de la recherche sur l’islam qui s’ouvre.

Comment se présente cet Institut ?

L’Institut fonctionne comme une plateforme rassemblant tous les chercheurs de l’Université de Strasbourg, quelle que soit leur discipline, qui travaillent sur l’islam. Parmi eux, des spécialistes de différents types de textes religieux, des spécialistes du Coran, du droit musulman, des textes mystiques de l’islam, des textes qui portent sur la vie du Prophète… mais aussi de différentes disciplines, telles que l’histoire, l’anthropologie, la sociologie, la philosophie, les sciences politiques, etc. permettant d’aborder l’étude de l’islam sous différentes facettes. Le but est de montrer qu’on ne peut pas avoir un discours unique sur cette religion, que d’un point de vue scientifique, il y a plusieurs approches possibles et qu’il est nécessaire de prendre en compte cette diversité. Nous avons la chance à Strasbourg d’avoir également des spécialistes dans différents domaines linguistiques qui sont associés traditionnellement à l’islam comme ce qui relève des études arabes, mais aussi des études turques ou études persanes, où sont proposés des enseignements sur l’islam iranien.

Quelle est l’ambition de l’institut ? Est-ce qu’il a vocation à être une réponse politique à une méconnaissance de l’islam ou à des phénomènes comme la radicalisation ?

L’Institut d’Islamologie n’a pas été envisagé d’abord comme une réponse aux phénomènes de radicalisation. On ne néglige pas du tout cette question (par ailleurs particulièrement traitée par l’Université de Lorraine) mais l’ambition de l’Institut est plus large, en contribuant à une meilleure connaissance partagée de l’islam dans sa complexité et sa diversité auprès de tout public, croyants, non-croyants, connaissant déjà l’islam, ne le connaissant pas. Nous avons fait le constat – et cela ne vaut malheureusement pas que pour l’islam – que nous vivons dans une société où le fait religieux dans son ensemble a largement disparu de l’horizon collectif ce qui crée des phénomènes d’ignorance, de raidissement et parfois d’incompréhension. Or, l’université publique a pour mission de combattre l’ignorance de manière générale. Ce sont là l’ambition et la vocation de l’Institut, qui passe par l’organisation de conférences et d’un cycle de formation complet en islamologie, du diplôme d’université au doctorat.

Qui sont vos étudiants, d’où viennent-ils ?

Ils viennent d’horizons très variés : ce sont des étudiants qui sont intéressés par ce sujet. Certains sont issus de familles musulmanes, ils ont grandi en France et se posent des questions sur leur religion et sur leur héritage familial. Mais d’autres viennent de tout autres contextes. Nous accueillons aussi des publics professionnels, des professionnels issus des administrations ou du milieu associatif, mais aussi des cadres religieux musulmans, des imams, des membres d’associations cultuelles ou culturelles en lien avec l’islam C’est à ce public dans toute sa diversité que le diplôme interuniversitaire est plus particulièrement dédié.

L’Université de Strasbourg est membre d’un groupement qui a été constitué il y a deux ans au niveau national, l’Institut Français d’Islamologie, qui vise à soutenir les efforts des universités dont celle de Strasbourg. C’est à ce titre que nous nous sommes impliqués dans le DIU.

Vous positionnez-vous comme un acteur de cet islam « de France » ou « en France » dont il est régulièrement question ?

Pas du tout ! il n’est pas dans notre vocation de se positionner comme étant un acteur de cet islam « de France » ou « en France ». Même si je reste convaincu que les savoirs et les compétences qui sont promus par l’université publique peuvent être utiles à tous, musulmans comme non-musulmans, pour avancer vers un vivre-ensemble apaisé.

Notre premier souhait est, plus modestement, d’être un acteur du renforcement de l’étude scientifique de l’islam au sein de l’université française. Nous sommes pionniers sur ce domaine dans le Grand Est. Nous œuvrons pour proposer un savoir de qualité accessible à tous, un regard scientifique approfondi sur l’islam mais aussi, plus généralement sur le fait religieux dans le contexte de la société française, en invitant à poursuivre cette quête de la connaissance tout au long de la vie, « du berceau à la tombe », min al-mahd ilâ l-lahd, comme le dit une célèbre parole attribuée au fondateur de l’islam.

Pour en savoir plus : Institut d’Islamologie

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